//// EXTRAITS

Gaelle Fernandez Bravo, La Pampa secondaire, éditions Sans Escale, 2020

« LES ALGUES »

Jamais je n'ai su raconter
Pour raconter
Il faut être plein
de fables
Je suis pleine d'oublis
Nos pays n'avaient pas la musique
Il nous manquait
le souvenir des chants
le soir
Le feu seul nous tenait ensemble
Les grosses mains de l'histoire
avaient rayé des noms sur
la cahier de nos cuisses
Les femmes savent
ceux qui les peuplent
les fuient
Rien ne s'efface tout à fait sous la peau
elles n'avaient que leur peau pour se cacher dedans
Il reste les balbutiements d'une langue
Des ratures, des feuilles brisées
Des bouches entrouvertes sur un mot qui se cherche
Des traces de lèvres vendues au marché noir
Abandonner un livre sous la neige pour qu'il se réveille au printemps


Julien Boutreux, Vous qui rampez sous ma peau, Le contentieux, 2019

YEUX

yeux vivants vous êtes le feu jaillissant le feu de suite fait feu, yeux vous êtes Dieu je le vois je le comprends, ouverts sur les choses, fermés sur vous-mêmes, yeux vivants vous êtes Dieu derrière les choses, ouverts ou fermés vous êtes l'œil à l'intérieur de l'œil de Dieu c'est-à-dire l'œil des choses, l'œil de l'œil des choses ouvert ou fermé, l'œil ouvrant les choses, l'œil ouvrant sur ce que les choses renferment et les refermant, yeux vous êtes un regard, vous êtes de suite le regard vivant de Dieu sur les choses c'est à dire un feu vivant, yeux vous êtes le grand c'est-à-dire, ce Dieu d'yeux qui regarde, ce c'est-à-dire de plomb qui écrase, ce regard transparent où nous tombons de suite, yeux d'yeux globes de feu vous êtes des mondes des mappemondes vous êtes par deux des dieux vivants


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