"Un jour je comprends c'est demain" : Camille Moravia

A mesure que le temps passe l'œuvre photographique et littéraire de Camille Moravia prend de plus en plus de dimension. Il est même étonnant que des galeries et des éditeurs conséquents ne l'aient pas encore repérée. Néanmoins, grâce à son Facebook et son camillemoraviablog.wordpress.com, nous pouvons suivre ses pérégrinations et apprécier sa profondeur de vue - à tous les sens du terme - là où l'humour ne perd jamais ses droits.

L'amour non plus. Même s'il change de registre. Mais lui aussi s’engouffrent tout entier dans l'humour. Pour le premier toutefois elle est capable d'aller même en banlieue. Pour autant elle chérit des paysages à l'espace plus vide pour voir ce qui en sort, en suinte et coule, pluie venue. C’est là que renaît celle qui nous capture par des images non réductibles aux mots, et par eux lorsque le noir se fait.


Bref Camille Moravia semble savoir de moins en moins où elle ne va pas. Elle ne s'interdit plus les codes qui permettent la réparation. Tout en restant à leur frontière. Si bien que ses réponses sans réponses sinon bancales s'ajustent à des questions judicieuses dans de beaux renversements de situations. Finis en quelques sortes les ratures, les ratages, les expériences sans lendemain qui demeurent floues. Un mouvement plus sûr prend de l'ampleur, file en train ou en route jusqu'à certaines gares où il est bon parfois de faire halte. Il y a encore des saisons des désirs. Mais Camille Moravia devient plus sage. Même si elle se plaît à récidiver en certaines errances.


Il se peut que grâce à elle le mâle, ce bois flotté, trouve encore "facilement un miroir dans lequel se réfugier (et) finit par finir pour ne plus penser". Mais s'il arrive à la diariste et photographe de fermer les yeux devant celui (ou celle) qui la regarde, elle ne s'en laisse pas conter. Au besoin pour se dire elle change de sexe ou modifie la syntaxe. Elle part encore en vacances, "aime les voitures en mouvement les maisons tristes les paysages vides les hôtels chers" mais s'adapte à tout : "Je m'adapte. Je mange des repas froids tomates avocats thon associés à du pain. Je tais mon nom, je travaille discrètement, je ne montre plus, j'invente des mots en décalés" Comprenez : elle s'efface. Comprenez surtout qu'elle existe. Qu'elle n'est jamais quoiqu'elle en dise à côté de la plaque. Qu'importe si les gestes de l'amant de passage sont  rudes comme une campagne triste et qu'un chien gueule dans le garage.

Jean-Paul Gavard-Perret

Commentaires