Hannah Sullivan : Confusion et gargouillements, TROIS POEMES, LA TABLE RONDE

Il existe dans les "Trois poèmes" une sorte de vie mode d’emploi dont les chemin (du Paradis ou de l'Enfer) se pavent de mauvaises intentions mais de textes d'exception. Car il faut que les mots exultent que se soient ceux de dockers ivres ou de coryphées en tutu. Certes tous ces maudits et maudites de leur premier amour ne se souviennent plus de tout. Mais Hannah Sullivan n'est pas de celle à garder longtemps dans son sac à main  la photo de son amour en fuite dans son sac à main avant de la déchirer un jour de blues. Sa poésie sent parfois le caniveau mais chez elle les balayeurs et éboueurs s’habillent d'un gilet jaune et d'un doigt de Chanel. Preuve qu'elle chérit bien des cocos. Mais il ne faut lui pas demander plus ce qu’elle donne. Elle dit déjà beaucoup. Jusqu'à la zone grasse et souple au-dessus du pubis que des doigts caressent "comme on tâte l'herbe avant un pique nique".


Cette poésie est des plus rares dans ses saveurs banane et capote, de draps détrempés que souillent une femme mure en compagnie d'un sosie de David Bowie (celui de la pochette de "Young American"). Que restera-t-il de cette poésie que les pisse-froid prendront pour "un dossier brouillon" ?  Certainement des visites aux vivants de toutes les espèces. La jeune anglaise aime les mélanges à l'alcool fort. La Tequila elle-même n'y parait que du Perrier tranche.  Dans une telle oeuvre (qui a reçu le Prix T.S. Eliot 2019) tout se souille et s'agglomère dans une glose rocailleuse sur l'archipel des villes. Les corps y éjectent leur contenu : sang, sanglots et sangria jusqu'au dernier appel d'un désir animal "dans la clarté de l'air" comme dans ses ombres appesanties.

Jean-Paul Gavard-Perret


Hannah Sullivan, "Trois poèmes", traduction de Patrick Hersant, coll. Vermillon, La Table Ronde, Paris, mars 2021, 168 p., 16 E.


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