« Tours et détours », GUILIA ANDREANI, CATALOGUE D'EXPOSITION

La peinture de Giulia Andreani ressemble à s’y méprendre à une peinture d’histoire. Mais la mémoire photographique d’où tout part est détournée de son contexte en des frontières monochromes bleues ou rosées. En surgissent des émergences fantomatiques entre autres de scènes cinématographiques terriblement lourdes d’ambiguïtés politiques mais aussi d’autres plus sexy ou mythiques.


La peinture et ses coulures « effacent » les clichés de base originaux. Les Mussolini, Ceaucescu, Mao, Hitler, Franco, Salazar, Staline et Pol Pot et leurs égéries mais aussi les starlettes, pin-ups et autres danseuses provoquent - comme avec la technique du « cyanope » et son sépia particulier - tout un jeu de proximité et d’éloignement.

L’histoire la plus horrible devient aussi dérisoire qu’absurde au moment même où une image datée mais reprise vient modifier le récit du monde et la cruauté qu’elle mettait en scène. Poussant plus loin sa quête l’artiste remonte des allégories républicaines ou totalitaires du XXème siècle jusqu’aux horreurs d’un passé encore plus lointain.  

Quoique trouvant son inspiration et sa matière première dans l’histoire Giulia Andreani revisite entre autres des photographies de momies des catacombes des Capucins à Palerme. La Vénitienne s’empare du macabre qu’elle décale en un jeu où l’horreur se mélange au clin d’œil.

Elle « réimage » poétiquement tout ce qui reste en complétant au besoin ce qui s’efface par le dessin. L’artiste restructure chaque plan après avoir déconstruit les photographies officielles signes de l’idéologie de l’époque. L’aspect « vieilli » des peintures devient par lui-même le signe que les idéologies politiques, religieuses voire sexuelles furent mortifères voire mortelles.

Tout un récit poétique avance pour séparer l'être de l’horreur de l’histoire au profit d'extases nues. Cela ne revient pas pour autant à ranimer les fantasmes de puissance mais à se dégager de l’enchevêtrement pervers des récits officiels obligés pour un chemin beaucoup plus ludique. La peinture redevient l’amalgame de signes visuels qui échappent à la seule fonction de communication et de référence. Elle atteint un rôle supérieur en ouvrant l’imaginaire par la remise en jeu du politique.

Jean-Paul Gavard-Perret


Giulia Andreani, "Catalogue"(à l’occasion des expositions au Labanque de Béthune, au musée des Beaux-Arts de Dole et à la galerie Max Hetzler, novembre 2019), Éditions Dilecta.


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