« Remontrances », MARINE GROSS, DETACHANT LA PENOMBRE, TARMAC, 2020

Marine Gross ratisse les mots en un long périple et une multiplication des hypothèses qu'ils fondent.  La poétesse les cherche selon diverses postulations : capturés, scellés, à peine audibles,  « plantés devant la glace »,  « prêts à jouer » et en bien d'autres positions pudiques ou impudiques.


Ils deviennent plastiques au sein de leurs articulations, leurs débords, leur  « béance goudronnée » comme au milieu des cailloux ou  « retirés de fonds de la gorge ».  Aucune exagération pourtant dans cette cartographie nominaliste. Mais pas plus d'incurie.

L'auteure tente la phénoménologie des mots. Elle n’enferme pas dans une simple subjectivité mais ne replie pas plus sur un discours théorique. Elle concilie une expression irrationnelle, intuitive tout en refusant que les mots échappent à l’analyse.

Cet actionnisme poétique est là afin de faire réagir le lecteur en évitant le piège de la rhétorique. Elle dévoile les mots, mesure ce qu'ils font - ou pas. Peut en effet exister chez eux le jour dans la nuit, la nuit dans le jour.

La simplicité de la structure duale (dans chaque page deux textes se font écho) procède d'une matérialité diaphane. Elle induit une dramaturgie ouverte à l’appréhension de l'inconnu que suggère le mot.

Et ce dans une  « contemplation ». Mais ici elle n’a rien de mystique. Être mystique c’est se laisser dévorer vivant par les mots pour ne plus tomber nez à nez avec leur jadis, leur naguère, leur parallèlement comme avec le réel.  

Si bien que Marine Gross ne se veut en rien cistercienne mais terrestre. Pour elle les mots sont des signes dans l'espace-temps. Il est possible d'y pêcher des directions mais sans oublier la limite de leurs promesses. Car ils ne sont pas une fin, leur humeur ou rumeur est une  « remontrance ».

Jean-Paul Gavard-Perret


Marine Gross, "Détachant la pénombre", Editions Tarmac, Nancy, 2020, 60 p., 12E.

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