« Le mal court », RAYMOND QUENEAU, MONSIEUR PHOSPHORE

A Satan qui  « d'un ton lointain, les yeux vagues » se demande ce que peut bien être le mal puisque Dieu  lui-même « ne nous a pas instruits de sa nature », cette pièce inachevée tente de répondre.

Satan n'y est pas seul. Il est accompagné de trois autres anges déchus rivaux du créateur : Lucifer, et Le Diable assisté de l’énigmatique et apocryphe Monsieur Phosphore. Certes, quoique en retrait, porteur de lumière, voué à l’humanité et à la réflexion il devient une sorte de prête-nom ou  de nègre blanc de l'auteur.


Si Lucifer dans un premier temps n'est pas capable de répondre à la question du mal, il souligne toutefois toute son immensité. Les trismégistes en sont les pourvoyeurs mais ce n'est pas pour autant qu'ils peuvent en dénouer toute l'obscure clarté.

Il y a de la part du trio infernal toute la roublardise qui sied à leur état. Mais c'est l'occasion pour Queneau de présenter une sotie biblique dramatisée qui n'a rien d'un exercice de poémancie virgilenne.

Aux serments de Dieu fait place un chemin vers l'au-delà du bien selon un Evangile selon les méphistophéliques de la saga des forges de l'Enfer. Face à certains jargons sacrés la langue des démons devient moins logophage que superbement scandée là où au lamento gothique des prières font place les goules  à fourchelangue qui ne s'en laisse pas compter par les anges blancs et autre dieu catcheur ivre. A cette aune le phosphorique fait ce qu'il peut.

Il peut peu. Mais il avance. Même si tout compte fait, Queneau ayant laissé en plan une pièce à laquelle il tenait beaucoup, semble signifier qu'expurger le mal pour que la liberté se désarchaïse se confronte à un certain renoncement.

Jean-Paul Gavard-Perret


Raymond Queneau, "Monsieur Phosphore", Illustrations de Jean-Marie Queneau. 2021, Fontfroide le Haut, 64 p.

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