Henri Michaux, "Bras cassé", Fata Morgana, 2021

Bras Cassé fait perdre au texte sa notion d’image. Michaux éradique  la métaphore pour mettre à nu l’image la sensation sourde et la douleur n’ajoute rien ne retranche rien mais déplace l'écriture en changeant de main.


Amputé provisoirement de la bonne (la droite) l'auteur se retrouve contraint d'écrire de la gauche si bien que celle-ci parvient à donner plus de ressemblance aux mots car son écriture contrainte devient  différente face de l’uniformité soldatesque des garde à vous de le bonne.

La création permet au poète de devenir acteur au sens premier – expressif involontaire, inspiré et capable de se décoller des emphases pour en accepter une seule : faire poindre ce qui sans ce travail e  "fausse main" ne se serait peut-être jamais vu et qui donne réponse à l’énigme vital.

A ce titre et plus que jamais la poésie devient l’abîme du langage puisque son mode d’écriture l’"abîme", une gaucherie sublimée. Elle advient dans le temps d'une césure accidentelle. Un tel texte reste donc première par rapport à l’œuvre écrite en son entier puisqu’elle va là où les mots ne peuvent aller que "mal" mais pour dire "bien" à force de patience et 'abnégation pour que l'écriture soit ce qu’elle devient pas à pas : une sorte de relais dégagé de tout instinct de conservation et de préservation. 

Elle permet à Michaux ce « bond hors de soi » lui qui chercha à faire ce geste « qui n’est pas en soi mais à l’autre ». Contre ce qu’il nomma « le funeste penchant de l’Un », "Bras Cassé"  reste à ce titre un écran particulier.

J-Paul Gavard-Perret

Henri Michaux, "Bras cassé", Fata  Morgana, Fontfroide le Haut, 2021, 64 p.



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