« Un aller dans retour », COLETTE FELLOUS, KYOTO SONG

Kyoto devient ici l'écrin de l’écran ou le miroir qui peut se traverser. L’Autrefois rencontre le Maintenant. C’est pourquoi l'auteure réinvente son propre cinéma intime. L’Imaginaire fait germer le passé en une relation double avec l’image de la ville japonaise et le corps de la fillette où se « métaphorise » celui de son accompagnatrice.



Ce voyage au pays du Soleil Levant donne à la vie de Colette Fellous le roulis d’une perspective large d’émotions. Le changement de décor, de cap et la présence de la fillette crée une fente dans la psyché de la créatrice. Soudain l'auteure peut aller plus loin avec elle-même d'où ce besoin d'imaginer que ce voyage serait éternel. S'y recreuse des sources, s'incisent les songes qui échappent à la seule tyrannie de la Méditerranée. Déplacement et présence insèrent Colette Fellous dans une situation perceptive nouvelle.

Elle offre à son propre passé des transformations successives. Certes la boucle n’est jamais bouclée mais en cette construction mentale le « direct » est toujours différé et se trame selon une représentation paradoxale, à savoir celle de l’évidement de l’évidence pour créer un abyme.  L'enquête filée est tout autant décortiquée dans l'espace de la vie lointaine où la créatrice tresse un geste de remise symbolique. Il replace ou plutôt déplace le je.

Un tel « eastern » fait reculer la frontière du moi et le creuse au moment où le Japon dénude le réel crée un processus de réappropriation. « Kyoto Song » remet en cause - à travers les sensations - bien des souvenirs. Jaillit la perception de leur perception. Se retrouve ici la clarté de l'enfance. Elle permet de voir ce qui n’avait pas encore de nom, de s’approcher de soi en d’approchant de l’autre par le pouvoir de l'air suave où des ombres étendent leurs coloris, leur poussière, et surtout la diaphaneïté. Dans un « song » paradoxal dans l'oeuvre de la créatrice qui trouve ici une paradoxale assise dans cette traversée?


Jean-Paul Gavard-Perret


Colette Fellous, "Kyoto Song", Gallimard, Paris, février 2020, 192 p., 20 E.

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