Ce sont « les détours inouïs » de la vie douloureuse et lumineuse de Tina Jolas, sa mère, que Paule du Bouchet évoque avec passion identique à celle qui "Emportée" par son amour passion pour René Char quitte sa fille âgée de 6 ans.
Le texte met en jeu des séquences de vie bouleversées entre plusieurs subjectivités et enjeux de vérité. Et ce sous forme de carnet intime où s'intercalent des fragments d'une correspondance échangée entre la mère et son amie Carmen Meyer,
L'auteure reste discrète. Son livre n'est pas un règlement de compte. Et ce même lorsque René Char abandonna celle qui éprouva pour lui sa grande passion amoureuse. D'ailleurs l'agonie de la mère commença lors du décès du poète pour lequel, lors de l'édition de ses oeuvres dans la Pléiade, sa fille rédigea une grande partie de l'appareil critique .
Paule sut fermer les yeux quand il le fallut ou lorsque cela était trop dur. Mais dans ce livre elle les réouvre en faisant abstraction de bien des larmes dues à celle qui fut « l'incarnation de ma détresse et l'incarnation de la lumière ».
Le livre est continuellement émouvant entre autres au nom des parents désunis. « Ma mère nous échappait et c'était mon père dont je redoutais la disparition » écrit l'auteure en parlant de celui qui restera plus grand poète que Char : André du Bouchet.
Mais une telle évocation est fascinante par son écriture de vérité. Sous son voile de soie pudique traîne ce qu'elle couvre de peines endurées et de l’absence de douceur à donner et à recevoir. Ici la fulgurance de la compréhension de son auteure donne parfois le vertige. Celui de l'amour.
Jean-Paul Gavard-Perret
Paule du Bouchet, « Emportée » (suivi d'une correspondance de Tina Jolas et Carmen Meyer), Editions des femmes - Antoinette Fouque, 2020, 128 p., 14 €
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