« Les animaux jouisseurs de notre peste », JULIEN BOUTREUX, VOUS QUI RAMPEZ SOUS MA PEAU

Sans cesse "nos" bêtes glissent vers le tronc de nos heures et de notre corps. On croit les chevaucher mais elles nous mangent du dedans. Elles restent notre mémoire puisque partout où elles passent en nous elles abandonnent plus qu' une trace : la hantise.
Dans leur silence apparent elles appâtent l'inconscient, en percent la peau et rappellent qu'on n'est rien, à personne. Personne n'est rien sinon à Elles.
Notre paquet de viande et de nerfs n'est qu'une masse visqueuse et il n'est pas jusqu'à notre sexualité à ressembler souvent à celle de certains de nos hermaphrodites.
Pour nous en défendre nous avons inventé le religieux. Mais seules nos bêtes dans leur puissance altière comme en leur sourde et patiente (r)évolution restent le sens de notre moindre.

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Notre monstre intestinal est fait aussi de leur carapace. Les dire et les exhumer devient le rôle majeur de la poésie. Non pour s'en défaire. Au contraire. Cela permet de montrer ce qui fait notre débauche paisible voire notre absence de vertu.
Dans le surgissement discret mais volcanique émane l’intimité ouverte. Elle éclaire de grouillements notre sang, elle fait parler ce qui se tait. Et prouve enfin que ce que nous pensons reste une erreur conforme.
Ecrire nos animaux revient donc à s’arracher à l'erreur mystique. Car ce qui habite l'être n'a rien à voir avec dieu sauf à penser que dieu lui-même est une femme ou qu'il est un Narcisse mélancolique.
Ajoutons qu'à ce point la poésie n’espère rien des hommes. Elle renvoie à deux chaos. Celui de nos marais, celui des nos étendues continentales.

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Nous sommes en territoire, conquis - et non pas en territoire conquis. La bestiole reste notre hôte innombrable. Elle accouche notre chimère.
Nous en sommes pétris. Notre sang la nourrit. Ce n'est peut-être pas beaucoup mais ça lui suffit. Elle se serait contentée de moins.
C'est pourquoi lire ce livre apprend à vivre et vivre apprend pas à penser. Sachons que la réalité de nos bêtes rend nos succès damnés. A nous de faire avec. En avant doute.


Jean-Paul Gavard-Perret


Julien Boutreux, "Vous qui rampez sous ma peau", Editions Le Contentieux, 64 p., 8 E., 2020.

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