La Vénus de Linda Tuloup pénètre dans les forêts des songes avec l’innocence - (en)jouée ? - d’une première fois et non sans un sentiment d’effraction.
Son corps se passe de langue même si Yannick Haenel ponctue les images. Mais il ne joue pas pour autant les ogres. Son texte est une caresse sur le regard de la photographe.
Des pas chassés rythment l'apparition d'une telle Vénus à la fourrure. Son corps s'offre à la lumière sous parfois des effets de brume. Elle court dans les bois ou ailleurs comme sur une plage.
Et soudain les ombres rebondissent entre transparence et opacité sur or fée mais son fantôme ne change pas. Il ne prétend à rien mais semble dire : «Viens par là». Que faisons-nous alors ?
Reste l’image insurgée. C'est une arête vive. Un pointillé. Il permet de survivre par le périssable et traverser les orages perclus d’un Eden dont on ne finira de descendre les volets.
Vénus devient une sur-vivance, une langue obscure. Saveur d’empreinte, de poivre vert. Reste l’inverse de la ténèbre par l’extase troublante qui décourage les morts. Voici la femme poreuse de ses secrets.
Reste la rencontre impossible, le seuil infranchissable avec aussi des mouvements de repli. Vénus semble ajouter «Aidons-nous à supporter l'existence». Mais il ne faut pas lui demander plus. Sinon on risque l’asphyxie, le claquage.
Linda Tuloup ramène à l'histoire très ancienne. Vénus c'est Eve. Celles de grandes marées. C'est aussi une Belle au Bois Dormant pour que les princes abolis rêvent de baisers volés.
Qu'importe si la fusion dans le réel n’est pas au rendez-vous et si les étreintes resteront une vue de l'esprit. Mais Vénus semble grace à Linda Tuloup renaître de l’espace. Les filles du futur font déjà partie d'elle.
Elle avance en robe de lune. La pluie tisse une vitre. Mais la mémoire n’efface pas les traces. Doigts de fée, tendres pétales. Immatérielle lenteur.
Que de lunaisons, que de nuits à attendre sa légende Elle est dedans. Elle reste, isolée, dans son vaste monde. Nul ne pourra l'en séparer.
Jean-Paul Gavard-Perret
Linda Tuloup, "VÉNUS – où nous mènent les étreintes", texte de Yannick Haenel, Editions Bergger, 2020, 30 E.
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