Lire ce beau livre, c'est comme faire du vélo sur des pavés ou sur un chemin défoncé de campagne. Mais il ne faut pas voir dans cette assertion une métaphore. Nous sommes en effet plongés ici, la tête dans le guidon, au milieu des pensées vagabondes d'un coureur autant cyclique que cycliste.
Elles sautent comme le fait sa chaine de son véhicule mobile non motorisé. Si bien que tout y avance superbement de guingois. Et si des boyaux et des rêveries s'emmêlent c'est pour mieux rompre l'existant compact.
La zone mentale que parcourt le vélocyclopédiste est bien plus large que son trajet géographique. Et sous l'effet de la fatigue les fils de la pensée ne cessent de se perdre. Ils prennent des virages en épingles à nourrice où la vitesse devient ce que le risque est à l'amour. Si bien que de la réalité ne reste à la fois que des reliquats mais autant d'ajouts intempestifs.
Le trafic est moins le fait d'un effet vélocipédique que d'humeurs pas forcément chagrines là où « l'étrangeté fait des siennes » à chaque moment dans ce qui devient un labyrinthe plus qu'une course par étape.
Bruno Fern s'amuse à faire déjanter la dynamique d'un discours qui n'a plus rien de linéaire. Du logique la poulie dort là où en « sublimateur d'éclats » le texte touche sa bille. On se demande parfois où était l'arrivée et où se trouvera le point de départ.
Qu'importe : non seulement ça roule mais chaque fragment multiplie le plaisir et l'intérêt du lecteur qui en n'attendait pas tant et n'en demande pas plus. Il hisse le champion sur le podium tandis qu'en son honneur du Ligeti ou du Messiaen déferle. Ce qui ne manque pas de selle tandis que suintent encore les aisselles.
Jean-Paul Gavard-Perret
Bruno Fern, "dans les roues", Editions Louise Bottu, Mugron, 2020, 66 p., 8 E..
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FICHE BIOGRAPHIQUE DE BRUNO FERN
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